Économie Circulaire et ESS : Complémentarités et Synergies Économie circulaire et économie sociale et solidaire : des valeurs croisées pour entreprendre l’économie circulaire

 

 

 

 

S’inscrivant dans une dynamique internationale, la Tunisie vise une économie modérée en carbone, mesurée et efficace dans l’utilisation de ses ressources, avec comme priorité une croissance durable, intelligente et inclusive. À la croisée de ces enjeux majeurs, une alternative au modèle économique classique prend de l’ampleur : l’économie circulaire, qui allie d’importantes perspectives de croissance et d’emplois à une prise en compte intelligente de l’environnement et des ressources.
L’économie circulaire suscite de l’engouement auprès de nombreux acteurs. Or, bien avant que la notion d’« économie circulaire » fasse son entrée dans notre vocabulaire, d’autres acteurs en défendaient les principes : les structures de l’économie sociale et solidaire.
Il est temps pour elles de défendre leur place de pionnières et de saisir l’opportunité de la montée en puissance de l’économie circulaire pour se renouveler. Réciproquement, l’économie circulaire doit adopter les principes de l’ESS pour permettre une révolution économique, sociale, environnementale et éthique.
Notamment, on constate que les structures de l’ESS sont très actives dans les domaines du recyclage et du réemploi, des activités au cœur du modèle d’économie circulaire. Pour cette raison, il serait judicieux que tout plan d’actions visant déployer une économie circulaire, profite de la contribution essentielle des entreprises sociales à l’économie circulaire.

En effet, les principes fondamentaux de l’ESS, la non-lucrativité individuelle, la gestion démocratique et l’utilité sociale ou collective, peuvent contribuer autrement au développement de l’économie circulaire, et ce dans tous les domaines, en replaçant l’humain au centre de l’économie.

Ainsi, il est primordial que les acteurs de l’économie reconnaissent que les entreprises sociales jouent un rôle de pionniers dans l’économie circulaire, afin de leur apporter le soutien nécessaire pour qu’elles libèrent tout leur potentiel.

Quels rôles joue actuellement l’ESS dans les différents domaines de l’économie circulaire et comment et pourquoi ces deux modèles économiques sont complémentaires ?

L’économie circulaire vise à réduire l’utilisation des ressources et les déchets tout en continuant à produire de la richesse économique. Associer ce modèle à celui de l’ESS permettrait de passer d’un modèle de simple réduction d’impact à un modèle de création de valeur positive sur les plans social, économique et environnemental.
Au-delà de la théorie et de la défense de certaines valeurs telle que la faisabilité d’entreprendre, de produire et de consommer autrement, tout en respectant le travailleur, le consommateur et le citoyen, l’ESS peut apporter une contribution pratique au développement de l’économie circulaire. En effet, les projets en économie circulaire sont expérimentés au niveau local et mobilisent l’ensemble des acteurs d’un territoire, or les entreprises de l’ESS, étant ancrées localement et réputées pour leur proximité liée à leur échelle d’intervention locale, peuvent être un moteur de coopération en entretenant un lien privilégié avec les collectivités et les citoyens. Enfin, le mode de gouvernance de l’ESS, qui favorise l’intégration de toutes les parties prenantes, favorise l’action de proximité et le maillage des acteurs d’un même bassin d’emploi.

Ce que l’économie circulaire peut apporter à l’ESS

L’engouement actuel autour de l’économie circulaire, étant une belle opportunité pour l’ESS, peut lui donner accès à de nouveaux financements, via les programmes dédiés aux projets d’économie circulaire qui se multiplient et prennent en compte les structures de l’économie sociale.

En outre, les nouvelles formes de production et de consommation engendrées par l’économie circulaire offrent des potentialités de développement pour les entreprises de l’ESS. A cet effet, l’ESS doit quitter sa zone de confort pour investir dans de nouveaux secteurs porteurs d’avenir.

  1. Perspectives et leviers
  2. Exploiter les secteurs à fort potentiel

Si l’ESS peut développer ses activités dans toutes les branches, certains secteurs présentent un potentiel plus important que d’autres : c’est le cas de la gestion des déchets, que l’ESS a déjà investi, mais au sein duquel il existe encore une marge de développement. De même, la transition énergétique nécessite une nouvelle approche de la production d’énergie, qui doit retourner aux mains du citoyen, et que l’ESS peut aider à adopter.

  • Faire de l’ESS un moteur de la transition énergétique citoyenne

La société civile est un acteur majeur de la production d’énergie. En effet, le déploiement des énergies renouvelables s’effectue à un rythme particulièrement soutenu en donnant aux habitants la possibilité de lancer leurs propres initiatives énergétiques citoyennes, à titre individuel ou de manière collective.
Le système de production actuelle présente de nombreuses faiblesses. Il est d’une part dominé par les énergies fossiles. D’autre part, il est dominé par la sphère publique et la sphère privée lucrative. Pour des raisons environnementales, économiques et géopolitiques, il est nécessaire de passer à un système de production durable. Des sources d’énergies renouvelables existent partout et diffèrent dans chaque territoire. C’est pourquoi pour répondre aux enjeux énergétiques futurs, il faut mobiliser les territoires de proximité. Or, les structures de l’ESS sont des acteurs ancrés localement avec un fort lien aux citoyens : pour des raisons pratiques, ils sont donc des acteurs majeurs de la transition énergétique. Ses valeurs (solidarité, utilité sociale, gouvernance démocratique, etc.) et le projet qu’elle porte d’un modèle de développement qui donne la primauté à l’humain et non à l’accumulation de capital lui donnent la capacité d’offrir une autre dimension à la transition énergétique : celle de la participation citoyenne.

La réappropriation par les citoyens de la gestion de l’énergie, de sa production à sa consommation en passant par sa maîtrise, présente de nombreux avantages : concrètement, il participe à l’élaboration des orientations aux décisions sur les choix d’investissement, les partenariats, l’utilisation des bénéfices, ce qui le sensibilise et le forme aux questions énergétiques et économiques… Par ailleurs, l’implication directe des citoyens permet une meilleure acceptabilité des projets d’énergies renouvelables, et facilite le changement de comportement : cela modifie leur rapport à l’énergie et facilite la diminution de la consommation.

Réciproquement, la transition qui s’engage représente pour l’ESS une opportunité majeure de peser sur l’évolution de nos modèles socio-économiques, de redonner du poids à la société civile et aux territoires.

Que faire pour changer d’échelle ?

Il existe d’ores et déjà des initiatives citoyennes de gestion et de production d’énergies renouvelables, mais celles-ci sont pour le moment peu nombreuses pour engager une dynamique suffisamment importante pour permettre la transition énergétique de grande ampleur.

Pour changer d’échelle, il est conseillé d’inscrire la dimension citoyenne de la transition énergétique comme l’une des priorités des politiques publiques climat-énergie aux niveaux territorial, régional et national.

Notamment, les structures de l’ESS peuvent faire figure d’exemple en soutenant concrètement la transition énergétique citoyenne.

  • Le potentiel de la gestion des déchets

Dans le secteur de la gestion des déchets, les structures de l’ESS ont jusqu’ici traité l’activité délaissée par les entreprises classiques. Il est nécessaire de faire évoluer les politiques publiques de gestion des déchets en faveur du développement d’activités dans l’ESS, en favorisant l’accès des structures de l’ESS aux gisements des déchets et en privilégiant leur gestion locale.

Notant que la massification de la collecte transforme la gestion des déchets en économie de masse ayant pour conséquence un traitement des déchets à une échelle plus large (régionale, voire nationale) et que les entreprises de l’ESS agissent à un niveau local, il est essentiel, pour la survie et le développement des structures de réemploi, d’organiser la gestion des déchets de manière à ce que les déchets soient traités au maximum sur le territoire dont ils proviennent, de favoriser les opérateurs locaux et de permettre aux acteurs locaux de l’ESS d’accéder aux déchets avant qu’ils ne partent sur d’autres territoires.

Pour améliorer l’accès aux gisements de déchets, il faut développer des conventions entre entreprises de l’ESS et collectivités en charge des déchetteries ou trouver des solutions pour que les entreprises de l’ESS puissent intervenir en amont de l’éco-organisme. Très concrètement, des bennes spécifiques aux déchets ré employables pourraient être mises en place dans les déchetteries, avec un personnel chargé de l’accueil et de l’orientation des personnes, ainsi que du tri.

Conclusion :
L’engouement autour de l’économie circulaire peut lui donner un air de mode. Pourtant, bien qu’elle réponde à des besoins présents, elle s’inscrit dans une histoire plus ancienne, celle de l’économie sociale et solidaire. Les structures de l’ESS sont en particulier présentes dans le secteur du réemploi et de la gestion des déchets, mais ses principes peuvent s’adapter à beaucoup d’autres domaines : agriculture responsable et efficace dans l’utilisation de ses ressources, transition énergétique citoyenne, économie collaborative et fonctionnelle, sensibilisation…
L’association des principes de l’ESS et de l’économie circulaire est tout d’abord cohérente pour des aspects pratiques : ancrage dans les territoires, mode de gouvernance des entreprises de l’ESS favorisant la coopération entre acteurs, montée en puissance de l’économie circulaire augmentant la crédibilité et l’accès aux financements aux activités de l’ESS… Surtout, la convergence de ces modèles donnerait naissance à une économie adaptée à un développement durable, respectueuse de l’environnement et des êtres humains.

Notamment, l’économie circulaire requiert des innovations technologiques et sociales, qui sont supportées en priorité par les entreprises sociales. Pour que les régions de la Tunisie puissent pleinement bénéficier de la capacité d’innovation des entreprises sociales à travers le développement de l’économie circulaire, une assistance et un soutien appropriés doivent être mis en place pour leur permettre de libérer tout leur potentiel.
Il est en effet primordial d’améliorer la visibilité et la reconnaissance des entreprises sociales, auprès des mandataires publics. Cela permettra l’élaboration de politiques plus pertinentes et plus efficaces et un meilleur accès aux financements. De même, il est important d’améliorer leur visibilité auprès du grand public, qui peut soutenir directement l’ESS par la consommation de ses produits et services, ou en devenant acteur. Plusieurs pistes sont par ailleurs à explorer pour optimiser le modèle économique des entreprises de l’ESS : se professionnaliser, diversifier les activités ou mutualiser les moyens entre entreprises. Enfin, l’ESS doit quitter sa zone de confort et augmenter sa présence dans d’autres secteurs que celui de la gestion des déchets.
L’économie sociale et solidaire et l’économie circulaire ont beaucoup à apporter l’une à l’autre. Leurs enjeux communs et solutions innovantes aux problématiques économiques, sociales et environnementales actuelles méritent une plus grande considération et de plus grands moyens.

http://www.citet.nat.tn/Portail/dsi.aspx

 

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