Gouvernance locale et durabilité : une illustration par les pays.

«… La définition de la gouvernance locale comme une combinaison de proximités a permis de mettre à jour certaines caractéristiques de durabilité qu’il nous faut maintenant expliciter, en illustrant notre propos par les pays..
Le principe d’interdépendance spatiale dans le cas des pays : une décision publique globale appliquée localement.

En endogénéisant l’espace, la gouvernance locale autorise l’introduction de la proximité géographique comme contrainte dans l’analyse. Par le rappel du caractère irréversible de la localisation de certains acteurs, la démarche de pays souligne de la sorte l’interdépendance spatiale entre les acteurs locaux. Elle cherche d’ailleurs à accentuer ce principe en insistant sur les interactions entre villes et espaces ruraux. Considérant que les espaces ruraux ne disposent que rarement des ressorts de la croissance interne, cette démarche prend en compte les effets de polarisation et d’agglomération qui caractérisent les centres urbains. Cette interdépendance spatiale concerne aussi l’articulation des espaces locaux et globaux. Si parler de gouvernance locale permet en effet de souligner la relative autonomie des processus locaux de développement, cela ne signifie pas que le niveau global est oublié et que les causalités entre les deux niveaux sont occultées. Les acteurs sont aussi insérés dans des réseaux a-territoriaux, en relation avec des acteurs éloignés. Ils mobilisent simultanément dans leur coordination diverses échelles spatiales. Autrement dit, il existe une causalité circulaire entre le local et le global, une influence mutuelle qui souligne l’interdépendance entre les échelles spatiales.

Les pays illustrent bien ce cas de repères et de pratiques de gouvernance locale, définies et impulsées à l’échelon national pour être déclinées localement de façon plus ou moins diverse. Ainsi, la politique des pays est l’expression d’une nouvelle représentation du développement local qui se fait jour dans la pensée publique. Cette création des pays renvoie à la nécessité de repenser les interventions publiques, cherchant à simplifier les procédures de décisions et les actions, dans un contexte de politiques internationales s’appuyant sur un principe de subsidiarité. Dorénavant, le développement local se veut le résultat d’un partenariat entre acteurs locaux en associant les aspects économiques, sociaux et culturels et en rompant avec une politique d’aménagement fondée sur une logique purement redistributrice des richesses nationales sous formes d’aides et de primes diverses. Fondamentalement, les richesses ne sont plus allouées par l’Etat, mais doivent être créées localement avec le concours de l’Etat. Le territoire ne doit plus être seulement aménagé mais d’abord développé. On le voit, les représentations du développement local, comme autant de repères, ont profondément évolué notamment sous l’influence de l’Union Européenne, partenaire avec lequel l’Etat doit composer tant il est devenu incontournable dans le financement des projets.

Cette dynamique institutionnelle, au-delà des seules transformations des représentations, a conduit à la création de règles juridiques régissant l’organisation des pays. Ce dernier est une notion instituée par la Loi d’Orientation pour l’Aménagement et le Développement du Territoire du 4 février 1995 (dite aussi Loi Pasqua), reprise par la Loi d’Orientation pour l’Aménagement et le Développement Durable du Territoire adoptée le 29 juin 1999 (dite aussi Loi Voynet), et amendée par la Loi « Urbanisme et Habitat » du 2 juillet 2003 qui apporte quelques changements dans la procédure de constitution et dans la gestion des projets de pays. Selon la Loi Pasqua, le pays manifeste la communauté d’intérêts socio-économiques. Le pays n’est ni une nouvelle circonscription privée de toute vie juridique autonome, ni une nouvelle collectivité agissant en nom propre : sur un plan juridique, il se définit comme un groupement territorial d’aménagement et de développement local possédant sa personnalité sans détenir la gestion de ses propres affaires, le situant entre la circonscription et la collectivité. Le but est de réorganiser les services de l’Etat, en établissant comme règle, la primauté des projets sur la structure et en autorisant les acteurs locaux à s’organiser en dehors des périmètres administratifs et dans un cadre commun cohérent. Cet espace de coordination cherche à réunir de façon peu contraignante le territoire institutionnel, celui de l’action publique, avec le territoire économique, celui des acteurs socio-économiques.

Plus de 300 démarches de pays ont été constatées à ce jour, dont plus de 80 ont déjà abouti à une reconnaissance de l’Etat. Au sein de cette variété, certains pays mobilisent une méthodologie de développement durable, de façon plus ou moins explicite. Cette mobilisation est parfois clairement affirmée car la Loi Voynet prévoit qu’une charte de pays puisse faire appel à un Agenda 21 local, compris comme l’instrument politique visant à décliner localement les grands principes de l’Agenda 21 établi au Sommet de Rio en 1992. L’Agenda 21 local est en effet un projet de développement durable du territoire misant sur la recherche de convergences entre performances économiques, sociales et environnementales. Ce projet se traduit en programmes d’actions définissant les objectifs et les moyens de mise en œuvre du développement durable du territoire, l’ensemble étant évalué régulièrement selon une grille d’indicateurs et en concertation avec les parties concernées. L’Agenda 21 local désigne tout autant la dynamique d’élaboration concertée que le document concret traduisant le programme d’actions. Clairement, il souligne la vocation de l’échelon local à devenir l’un des espaces pertinents du développement durable, en introduisant les principes de durabilité au sein même du projet collectif porté par le pays.

http://www.citet.nat.tn/portail/nl/dsi/273/post.aspx

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